François est l’ancien responsable d’une succursale étrangère dans laquelle se sont passées de tristes histoires. Un client voyou, propriétaire d’une holding d’entreprises, a monté un schéma de cavalerie entre différentes filiales : L’une prête à l’autre, qui prête à la troisième aux comptes plus honorables, qui emprunte à la banque, puis prête à la première, et ainsi de suite.
On finance ses dettes anciennes par d’autres dettes plus récentes, jusqu'à ce que ça casse. François, comme l’entier des responsables attachés à cette histoire de prés ou de loin, a repéré relativement vite que ce schéma n’était pas propre, mais il l’a laissé perdurer, pensant que c’était le seul moyen de récupérer l’argent à risque.
Comme on dit sur les marchés financiers, c’est toujours désagréable de se couper un bras, de prendre sa perte, alors on continue.
Un an. L’ardoise double. Le petit malin de client avait truqué les chiffres, et les mécanismes de contrôles mis en place par la banque étaient aussi incontournables que la ligne Maginot. Curieusement le commercial qui s’occupait du client a le même nom que l’un des membres de son directoire… Famille je vous adore.
C’est une arnaque, d’accord.
Le commercial est « poussé à la démission », (merveilleuse terminologie), et le nouveau montant de perte remonte vers Paris. Désolé les enfants, on ne perd plus trois, on perd six. Euh non pardon, neuf. (ça va vite ces choses la). Tout le monde a bien compris à ce stade que le dossier dégage une odeur de faisant mort il y a trois semaine d’une indigestion de fromage corse.
Levée de bouclier immédiate à Paris. Dans un même élan d’hypocrisie mal contenue, tous les responsables plus ou moins au courant depuis le début s’indignent.
Comment ? Qu’ouie je ? Quelle horreur !! La description complète de l’arnaque finit par arriver devant les yeux du responsable juridique de la banque, Monstre froid Qui sème l’effroi Lequel va dire en substance « arrêtez tout tout de suite », précipitant ainsi la chute du schéma et celle de François qui est rapatrié séance tenante et mis dans un bureau à Paris en attendant le couperet .
La police de la pensée vient se poser sur cette bouse, voici venir le temps des cavaliers de l’apocalypse, l’inspection générale débarque avec ses bottes en plomb et sa haine de la faute. D’autant plus vindicative qu’elle a fait une mission de routine sur site 18 mois plus tôt et qu’elle n’a rien vu…. L’IG nous sort donc un rapport un peu moins édulcoré que les minutes des procès staliniens des années 30, et tout le monde en prend pour son grade sauf eux, nous n’en sommes pas encore au stade de l’autocritique.
L’IG, corps de Mégas Flics qui faisait il y a vingt ans les dirigeants de demain, ne fait plus aujourd’hui que les plombiers des centres de profit tous puissants, les fameux métiers.
Mais la police fait peur, et l’inspection a encore l’oreille de l’état major (qui peut croire que cette terminologie militaire existe encore dans un groupe corporate français en 2006 ??) L’état major décide donc de broyer de la victime, sanctionner les coupables.
C’est la que mon histoire devient moche.
Moi qui essaye de ne pas être aigri ni trop désabusé, je dois confesser un certain doute sur la validité et surtout l’équité dans cette histoire : Les sanctions tombent, huit mois après la fin de l’histoire. François est viré pour faute.
C’est dur pour lui, mais on ne va pas pleurer, il touche une somme décente pour se taire, et après tout il a fait preuve d’un manque de professionnalisme et d’un orgueil incommensurable, en pensant pouvoir gérer seul une situation qui le dépassait.
Son secrétaire général de l’époque, gravement dépressif depuis, est sanctionné par un avertissement. Cette sanction va probablement creuser le puit au fond duquel il se débat, tout le monde le sait, tout le monde s’en fout.
La sous-responsable à Paris est également sanctionnée, un avertissement toujours. Son boss passe entre les gouttes. Il est énarque. Dans le rapport, leur responsabilité était mise en cause de la même manière, mais j’imagine qu’il a été considéré par le tribunal de ses pairs comme plus utile à l’institution.
La fille en a pleuré trois heures, c’est une bonne élève consciencieuse, victime d’un jeu politique qui l’aura cassé pour longtemps.
Globalement, l’ensemble des gens important pour la banque, ceux qui comptent ne seront pas sanctionnés, de par leur réseau, leurs protections, ou dans le meilleur des cas ce qu’il peuvent apporter dans le futur. Leur responsabilité dans cette histoire, leur faute éventuelle ne compte pas.
Une équité a deux vitesses ?
Eh oui.
Mais c’est la première fois que j’en suis réellement le témoin, et sans faire de populisme les effets pervers de la gouvernance d’entreprise élito-franco-francaise me choquent quand j’y suis confronté, ça doit être mon coté fleur bleue.
François plane.
Il a quarante huit ans. Deux enfants.
Bon soldat depuis toujours, il ne s’est jamais remis en cause. Il va sauter et ne le sait pas. Lorsque nous l’avons appelé pour le convoquer, serrés par des problèmes de délais, afin de lui notifier son licenciement, il nous a répondu de son portable : « Ah, ça me fait plaisir que vous m’appeliez, ça y est, vous m’avez trouvé un poste ? Vous savez, je n’ai rien à faire depuis huit mois, j’aimerais bien que cette histoire soit terminée »
On sait François, et elle va se terminer vendredi.
Exécuteurs des basses œuvres, nous souffrons quand même un peu.
Comme quoi l'être humain ne lasse pas de surprendre, pour preuve notre fidèle manieur de Hache qui s'avère ici aussi naïf que cynique (joli paradoxe, trop beau sans doute pour être sincère) :
Justice à 2 vitesses, Monsieur le bourreau ?
Deux poids et 3 (ou 4) mesures, selon que vous serez puissant DG ou misérables employés ?
Où étiez-vous ces 40 dernières années ?
Le LEM vous aurai oublié-t-il sur la Lune ?...
Rédigé par : El Capéo | 21 juillet 2009 à 18:14
Je ne suis pas bien sur que vous ayez bien compris le principe du blog, mais bon, c'est qu'il ne doit pas être bien exprimé...
c'est juste un métier difficile à pratiquer, et plus le groupe est gros plus c'est dur, car la masse génère l'économie mais aussi l'aberration.
Pas d'obligation de résultat, mais une obligation de moyen peut être.
Et on a intérêt à se retourner une fois de temps en temps pour en rigoler sinon croyez moi le temps est long.
Rédigé par : DR HACHE | 22 juillet 2009 à 20:02
Je suis désolé moi aussi, ne pouvant vous répondre vu le caractère plutôt sybillin des 3 premières de vos phrases.
La 4ème est elle limpide et bien entendue.
Rédigé par : El Capéo | 22 juillet 2009 à 22:57