Chers amis
Je m’aperçois avec une certaine honte que vous êtes matraqués depuis plus d’un an avec des histoires et des caractères se mouvant (ou pas) dans le monde bancaire, et que je n’ai jamais pris la peine de définir un certain nombre de notions, qui semblent naturelles pour les gens du cru mais probablement très opaque pour les autres.
Voici donc le début d'un petit lexique, qui pourra s’étoffer si vous en éprouvez le besoin. A cette fin, merci de revenir avec les mots ou les concepts qui vous paraissent un peu vagues ressortant des chroniques précédentes.Ce sera un plaisir de les clarifier , avec le bon esprit qui me caractérise. Pas d’histoire donc cette semaine, j’espère que cette lecture n’en sera pas trop fastidieuse.
Pôles
La terre en a deux, la banque 4. Dans tous les cas c’est dur de s’orienter quand on y est et chacun des quatre a l’impression que le reste du monde tourne autour de lui,
ce qui donne une physique d’entreprise compliquée. Mode de regroupement et d’organisation des centres de profits (métiers), il existe une subtile hiérarchie entre les pôles. La banque de financement et d’investissement (les snobs) la gestion d’actif (la secte) la banque de détail en France (la bétaillère) la banque de détail à l’étranger (les maures).
Métier
Prêter de l’argent et traire le client. On a beau tortiller, ça reviens toujours à ça dans l’industrie bancaire, à l’exception des marchés financiers, dans lesquels on glane aussi les épis de blé qui n’ont pas été ramassés (on appelle ça l’arbitrage). Dans les 15 dernières années, on a affiné les divers champs d’application de cette mise à sac, en terme d’outils, de victimes, et surtout de produits à leur proposer. Autrefois on sciait des arbres, maintenant on taille des cure-dents, le pouvoir des généralistes a donc considérablement décru. Etre dans un métier aujourd’hui, c’est quand même pouvoir s’identifier à un centre de profit, et avoir des espérance de rémunération importantes. Exemples : financements structurés, énergie/ matières premières, taux/change, banque privée, crédit à la consommation. Bien sur, l'ambiance actuelle semblerait démontrer que, dans la banque comme ailleur, on peut faire absolument n'importe quoi, et il semble possible que les métiers adoptent un PRDP prochainement ( profil raz des paquerettes).
fonctions
Si ça ne dérange personne, je ne mets pas de majuscule. Tout est de leur faute. Les fonctions sont des centres de coût, qui sont prestataires de service des métiers. On les paye à coup de bâton juste de quoi mourir de faim, ils ont peu de moyens et aucune reconnaissance. Ils peuvent cependant avoir un fort pouvoir de nuisance, notamment par leur force d’inertie ou la simple volonté d’enmerder le monde. Systèmes, Juridique, Ressources Humaines, Risques, sont des fonctions. Généralistes : Ce sont les grands perdants, dont le symbole est l’INSPECTEUR : Il y a 20 ans, l’inspection générale était la voie royale pour prendre un poste de responsabilité, puisqu’on avait fait le tour de la banque par l’intérieur en 5 ans, et que les français ayant naturellement peur du gendarme, ils aiment bien s’en faire un copain après. La carrière des membres de ce corps soudé aux codes très établis était assurée, et 95 % des expatriés par exemple étaient des anciens chefs de mission de l’inspection générale. Aujourd’hui, une connaissance globale de la banque est impossible (trop de métiers), et les inspecteurs apprennent surtout à démêler le nœud gordien des rouages administratifs et procéduriers. Après cinq ans de travail intensif à coup de missions sur site de trois mois sans voir le jour, les inspecteurs sortants vont aujourd’hui dans le meilleur des cas ranger la chambre des responsables de métiers, dans le pire faire la toilette des morts vivant dans des fonctions au nom aussi marketing que « la conformité groupe ».
Historique
Ah, l’historique !! C’est cette notion vieille comme le monde qui va permettre de continuer à payer un bonus à quelqu’un qui ne fait plus rien depuis longtemps sous prétexte qu’il en a eu d’énormes dans le passé, c’est l’excuse pour expliquer toute situation étrange dont personne ne peut justifier la cause de façon rationnelle a l’instant T. Dés qu’il y a une aberration dans l’organisation d’un service, on invoque des raisons « historiques », souvent pour masquer le contentement d’ego surdimensionné de patrons qui ne sont parfois même plus la.
Force d’inertie, Erre d’un bateau qui courre, pieds dans le béton, l’historique à plusieurs noms mais sert toujours de fourre tout aux cuistres de l’institution pour justifier ses errements.
Pour illustrer cette notion, j’aime bien la théorie du singe développée a l’université de San Diego (c’est sympa quand même de faire des études) :
1. Mettez vingt chimpanzés dans une pièce.
2. Accrochez une banane au plafond et mettez une échelle permettant d'accéder à la banane.
3. Assurez-vous qu'il n'y pas d'autre moyen d'attraper la banane qu'en utilisant l'échelle.
4. Installez un système qui fait tomber de l'eau glacée dans toute la pièce dès qu'on commence à escalader l'échelle.
5. Les chimpanzés apprennent vite qu'il ne faut pas escalader l'échelle.
6. Arrêtez le système d'eau glacée, de sorte que l'escalade n'ait plus son effet dérivé.
7. Maintenant, remplacez l'un des vingt chimpanzés par un nouveau. Ce dernier va chercher à escalader et, sans comprendre pourquoi, se fera tabasser par les autres.
8. Remplacez encore un des vieux chimpanzés par un nouveau. Ce dernier se fera encore tabasser, et c'est celui qui a été introduit juste avant qui tapera le plus fort.
9. Continuez le processus jusqu'a ce qu'il n'y ait plus que des nouveaux.
10. Alors plus aucun ne cherchera à escalader l'échelle et, si jamais il y en a un qui pour une raison quelconque ose y penser, il se fait massacrer par les autres. Le pire, c'est qu'aucun des chimpanzés n'a la moindre idée sur le pourquoi de la chose.
Et si ils vous demandent, vous n'avez qu’à leur dire que c'est pour des raisons historiques.
Yes men
Adjoints dont la seule fonction est de valider les décisions de leur responsable. Pas besoin de cerveau ni d’attributs, un peu d’expérience et beaucoup de souplesse sont requises. La présence des yes men est plus liée à un type de management qu’a la taille d’une entreprise. Ils sont souvent méprisés de la troupe, ne possédant aucune personnalité propre. Ce sont des chambres d’enregistrement dont l’obédience absolue garantit la pérennité, mais dont la fragilité réside dans le lien avec leur manager. Lorsque celui-ci saute, à l’instar de la sangsue ils doivent trouver un autre abreuvoir. Ils peuvent également servir de fusible le cas échéant.
Mobilité :
Catastrophe.
La mobilité , c’est l’art d’expliquer a ceux qui veulent bouger qu’on a rien pour eux, et aux autres, les caméléons qui retiennent leur respiration et prennent la couleur du mur quand on passe devant leur bureau, que ça commence a être l’heure d’y aller. Du fait de l’officieuse hiérarchie entre métiers et fonctions d’un coté, et entre les pôles de métiers eux-mêmes, l’individu va analyser sa mobilité en fonction de l’environnement et non du poste : « J’étais sous-caleçon dans un métier, je passe responsable d’équipe dans une fonction, prout. » « Je ramassais les déjections nasales des assistant marketing en banque d’investissement, me voila chargé de gros clients dans le réseau France, chienlit ».
Que le poste de destination soit mille fois plus intéressant est très accessoire, ils veulent une reconnaissance quasi sociale, qu’ils lient à un potentiel de bonus aussi illimité que fantasmatique.
On a beau leur expliquer que leurs chances de devenir une star de la finance sont statistiquement équivalentes à celle d’un engagé de 19 ans dans l’armée de l’air de devenir pilote de chasse, peu leur chaut. Il leur faut du rêve, ils doivent se dire qu’on ne peut gagner au loto que si l’on joue, alors ils se plantent de chemin et vont dépenser quelques années clefs dans la banque d’affaire quand ils auraient fait d’excellent responsables de compte de PME.
Tout est une question d’image.
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