Paul est trader depuis dix ans. Centralien issu d’un milieu modeste, il a su plier l’échine quand il le fallait, ouvrir sa grande bouche aux moments opportuns et faire preuve de compétences techniques à une époque ou les polytechniciens n’avaient pas encore envahi l’espace vital des salles de marché.
Régnait alors une caste d’ancien du Pit (fosse en anglais, le marché à la criée) dont les personnalités fortes en gueules et les gros testicules faisaient office de compétence. Cette brochette d’olibrius avait fini par se diluer dans l’industrialisation des salles de marchés, et dix ans après le passage de la criée à l’électronique
il ne reste plus rien de cette ambiance potache ennemie du politically correct et de la bienséance. Paul, brillant ingénieur ayant survécu aux traders graveleux, était devenu un ancien, et s’était retrouvé à la tête d’un book (disons une activité) extrêmement profitable dans les cinq dernières années.
A l’instar de l’industrie dans laquelle il évolue, Paul fascinait et faisait peur, notamment à ses patrons, car plus personne ne comprenait plus depuis longtemps ce qui pouvait bien se passer à l’intérieur de son book
Récemment, on s’est aperçu que lui non plus ne comprenait rien, ce qui a donné lieu à quelques pertes chiffrables à non en fait je ne préfère pas vous dire.
Dans les cinq dernières années, Paul à touché de vrais gros et gras bonus. On parle de millions d’Euros, et le fisc a beau en caroter une bonne moitié, il en reste beaucoup. Bon, depuis six mois les choses ne se passent pas très bien, et notre ami fini par sentir le vent du boulet entre les deux yeux, il se fait sortir et son book est explosé en plusieurs morceaux, on essaye désespérément de séparer le salpêtre du souffre de cette gigantesque bombe à merde afin qu’elle ne nous explose pas au visage, ah trop tard c’est fait.
Bien, Paul est donc viré.
Paul a quelque peu augmenté son train de vie dans les 10 dernières années. Il dépense aujourd’hui environ 40 000 euros par mois.
La scène se passe dans sa cuisine. Un couple de leurs amis sont venus les supporter dans l’épreuve, et tente maladroitement de les aider à voir, entrevoir même les postes qui seraient peut être compressibles.
La coach qui vient trois heures par jours ? Pas possible.
Les deux nounous à plein temps pour les trois enfants (sa femme ne bosse plus bien sur) ? Ben non.
Le chalet à méribel ? Ben on ne va pas le vendre non plus, ce n’est pas l’idée.
L’Aston Martin ? Arrête, ça ne coûte rien.
Les vacances ? Mouais, les vacances c’est peut être un poste qu’on peut revoir, on en a pour 50 000 euros deux fois par ans, glisse, déjà un tantinet nostalgique, son épouse.
Et là, Paul s’énerve. Mais s’énerve vraiment.
« AH non, moi je suis désolé, mais les voyages en avions avec les petits, c’est business ou RIEN. Il n’est pas question que l’on réduise ce poste la, je suis prêt à faire des concessions, mais pour la qualité de vie en vacances, CERTAINEMENT PAS. »
Bien.
Il y a donc de gens qui vivent sur les anneaux de saturne, on avait un doute mais la on n’en a plus.
Va falloir qu’il retrouve un job vite fait pepère, parce qu’a ce rythme la c’est sur la face cachée de la lune qu’il va finir par les passer, ses vacances.
Bonjour,
Je suis étudiante et j'ai toujours éprouvé une répulsion, vague mais irrépressible, pour les grandes écoles et le monde de l'entreprise... Mais sans savoir réellement pourquoi.
Je suis tombée par hasard sur votre blog, et maintenant je sais.
Merci.
Rédigé par : Joyce | 08 mai 2009 à 13:27
Houla
Ça n'est vraiment pas le but...
L'entreprise c'est aussi
1 une manière de vivre ensemble, ce qui implique des contraintes mais contribue aussi au développement personnel.
2 une institution qui fonctionne et qui est respectable parce qu'elle fait vivre des centaines de millier de gens, en l'occurence.
Simplement elle se prend parfois trop au sérieux, ce qui mène à des excès, et la seule manière de la faire évoluer, c'est de l'intérieur.
La meilleure, selon moi, c'est d'en rire, de ne pas être dupe, mais attention au piège de l'aigreur.
Quand aux grandes écoles, les cotés mafia, clonage et élitisme sont un peu pénibles et parfois risibles, mais elle fabriquent quand même de belles mécaniques intellectuelles, qui n'ont pas toutes le melon...
Merci pour la visite en tout cas.
Rédigé par : DR HACHE | 11 mai 2009 à 11:44
Je suis centralien moi-même, je trouve votre blog hilarant et je tiens à préciser qu'un tel olibrius n'est absolument pas représentatif de notre "communauté" (si tant est qu'elle existe).
Je le trouve plutôt représentatif des gros traders, à vrai dire. Ne nous trompons pas de sujet.
Des centraliens il y en a dans toutes les professions, y compris des moyennement lucratives (R&D, enseignement).
Rédigé par : Brunoy | 08 juin 2009 à 19:15
J'ai beaucoup apprécié votre commentaire sur l'impact social et psychologique de l'entreprise.
Si seulement cela pouvait être généralisé. Mais la réalité est tout autre. Bien sûr que l'entreprise a une fonction de socialisation, bien sûr qu'elle participe à développement personnel et économique individuel, mais à quel coût...
Ayant choisi de travailler justement pour améliorer les choses et accroître les retombées positives du travail, autant pour l'entreprise que pour l'humain d'ailleurs, j'ai remarqué chez ceux qui souffrent le plus de cet environnement une résistance aux changements des plus virulentes, partagée sous une autre forme par les dirigeants. Dans un monde de méfiance, de crainte, de peur et d'individualisme, le changement est l'évènement le plus redouté.
Bon courage
Rédigé par : B | 18 juin 2009 à 15:50
Parfaitement d'accord : d'ailleurs de nombreuses écoles de management vous apprennent qu'il faut par principe modifier les organisations de façon récurrente, pour ne pas laisser les gens s'installer dans la fameuse zone de confort.
Cela peut donner des résultats intéressant du point de vue totalitaire : on remet au fout du jour une organisation qu'on a détruite quelques années plus tôt, en utilisant les arguments inverses à chaque fois, on est pas bien loin de 1984 et de sa novlangue, sauf que le but recherché est ici vertueux même s'il apparait souvent comme complètement crétin.
Rédigé par : DR HACHE | 20 juin 2009 à 10:31
Alors ces belles 'mécaniques intellectuelles' auraient des yeux mais ne pourraient rien voir venir ?..
Quel gachis de matière grise, sans compter les frais (non négligeables)de scolarité gaspillés en perte sèche pour la collectivité.
Le réveil s'annonce douloureux pour tous ces beaux esprits frappés de cécité volontaire, vu qu'à Centrale on n'enseigne pas (encore) la culture des pommes de terre en plein champ...
Rédigé par : El Capéo | 21 juillet 2009 à 16:37
Looks a nice post which having lots of information for blog readers.
Rédigé par : Management Dissertation | 27 janvier 2010 à 17:32