Féru de littérature carcérale et totalitaire, fasciné par l’œuvre de George Orwell, Arthur Koestler, bercé par Yvan Denissovitch (peut être un peu trop prés du mur de la prison d’ailleurs), j’ai toujours eu une tendresse particulière pour la notion d’isolement, si magnifiquement traitée dans la littérature. Du Joueur d’Echec de Sweig au très vivant Papillon d’Henri Charrière, le champ d’expression de la nature humaine est large lorsqu’on est confronté à soi même.
Nous savons tous que la notion d’incarcération est curieusement extensible, et que l’on peut être contraint entre quatre murs de briques, mais également par une idéologie, un système, voire un vice. La prison est l’endroit d’où l’on ne peut sortir, et dans lequel on se retrouve toujours seul au bout du compte. Dans un groupe institutionnel, la sémantique est fondamentale
La maîtrise des codes, des acronymes notamment peut être un signe de cohésion et d’appartenance au groupe, ou un outil de pouvoir ( de crétinerie aussi d'ailleurs, revoir le passage de "Good Morning Vietnam" dans lequel Robin Williams compose une phrase uniquement coposée d'acronymes...). Elle est également révélatrice d’un état d’esprit et d’une philosophie induite. `
Je voudrais aujourd’hui vous parler de "la grille".
Les jeunes diplômés frais émoulus des grandes écoles françaises ont souvent envie d’ajouter à leur CV la ligne d’un grand groupe français. Après avoir travaillé comme des mules en prepa, ils ont été boire du mauvais whisky pendant trois ans sur les campus des grandes écoles et se sont fait expliquer leur propre valeur par des professeurs plus ou moins respectés en fonction de leur expérience professionnelle.
La majorité des étudiants sont attirés non par la cohérence académique mais bien par la légitimité financière. De nos jours, un professeur qui n’a jamais travaillé en entreprise aura dans les écoles de commerce la même légitimité qu’un prêtre qui parle de sexe : qu’en sais-tu vieux puceau ?
Comme dans « Ridicule », on pourra toujours répondre que l’on met bien les eunuques comme gardiens des harems, et plus sérieusement qu’il est meilleur pour l’indépendance d’esprit de rester en dehors du milieu pour pouvoir l’observer le comprendre et le décrire, le premier scientifique venu vous le confirmera, pour ce que ça vaut.
Pour intégrer ces godelureaux dans nos structures, nous appliquons une « grille » d’embauche qui classe les écoles dans sept groupes, et détermine les salaires correspondants. La politique de l’institution est en effet « un diplôme un salaire » ce qui est effrayant puisqu’elle nous impose de ne recruter que des gens extrêmement similaires pour faire le même type de poste, avec un risque de clonage important.
Pour faire l’analyste de crédit, si je veux recruter un HEC et un doctorat d’espagnol il me faudra les payer avec un delta de 40 %, ce qui est la recette de la haine après six mois partant du principe que tout se sait. Cette grille, nécessaire mais beaucoup trop rigide chez nous, est la même depuis 40 ans. HEC, ESSEC, ESCP sont toujours seuls en groupe 1. Science Po Paris, malgré ses efforts, en groupe 2, bien que cela soit la seule école de France où l’on bosse. L’Edhec, l’EM Lyon en groupe 2. Deux Universités en groupe 2, DAUPHINE-qui ressemble-à-une-école-comme-SCIENCE-PO, SURTOUT ne faites pas la fac jeunes gens, on ne vous paiera pas.
Devant cet immobilisme, on peut se poser plusieurs questions : Comment le système fait-il pour s’auto entretenir ? C’est assez simple, il place naturellement ses fruits aux postes de commandes, la responsable du recrutement aujourd’hui est une HEC légèrement moins souple qu’un chêne de cent ans, et qui sourit quand elle se brûle. Il faut noter que sa patronne a également fait HEC. Le patron de sa patronne aussi. Et l’ENA, pardon, j’allais oublier. Mon patron n’a fait que l’ESSEC, mais son patron HEC.
Ne nous y trompons pas : il n’est pas ici question de remettre en cause la connexion de leurs neurones, plutôt les effets pervers du clonage, dont on sait bien qu’il ne mène pas au meilleur des mondes.
Au lieu de clonage, peut-on parler d’inceste ?
Inceste ou clonage, tout cela peut mener à une certaine fermeture d’esprit, mais surtout l'homogénéité y gagne ce que la créativité y perd.
J'ai également eu un boss qui venait d'HEC et qui etait imbattable pour répondre à n'importe quelle question sur le whisky, mais pour le reste...
L'alcool conserve tout mais pas les neurones, CQFD.!
Rédigé par : Franck | 19 mai 2009 à 13:12
Bof, cette question de l'homogénéité me parait une tarte à la crème pour disciples de Descoings.
Recrutez des ingés, ils viennent de tous les horizons et ne sont sélectionnés qu'en fonction de leur niveau scientifique.
De toute façon, quelle est l'alternative ? Recruter en fac de socio ? Soyons sérieux.
Si vous avez un sytème éducatif où les établissements sont classés par niveau (et c'est le cas en France avec les grandes écoles comme à l'étranger avec les universités prestigieuses), il est normal que l'élite sorte des mêmes crêmeries. Mais ça ne veut pas dire qu'ils sont des clônes.
Rédigé par : Brunoy | 08 juin 2009 à 19:30
Au risque de vous déplaire, les sciences molles, comme aiment à les nommer nos ingénieurs et diplômés de grandes écoles, que sont la sociologie et la psychologie entre autres, participent à améliorer les conditions de chacun au travail.
C'est ainsi que vous avez la chance tous de pouvoir bénéficier de la formation professionnelle continue (bataille de plus de 40 ans des "sert à rien", si j'ai bien compris), de méthodes de recrutement non discriminatoires (et oui, on ne peut plus faire n'importe quoi!).
L'entreprise a de plus en plus d'obligations vis à vis de son capital humain: la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (les sert à rien les ont poussé à anticiper leur évolution et à conduire et accompagner le changement), le maintien des seniors en entreprise (avec études sur leurs compétences réelles et le constat de leur utilité pour l'entreprise malgré les représentations négatives qu'ils génèrent).
Bref, gardez à l'esprit que la capicité à concevoir et à mettre en oeuvre n'est pas exclusive aux titulaires de ces diplômes si "brillants".
Un dernier point sur l'étroitesse d'esprit dont vous semblez souffrir, c'est sans aucun doute avec un oeil neuf, sans préjugé, que l'on peut apporter des idées innovantes, pertinentes, loin d'un monde où la pensée unique réside.
La diversité fait la richesse d'un pays et à un échelle plus micro de l'entreprise, n'ayez donc pas peur de sortir de votre petit monde d'élites!
Rédigé par : B | 18 juin 2009 à 14:39
Merci pour la leçon, mais je n'ai pas l'impression de dire autre chose, et tout cela me parait très théorique, ce qui estrigolo c'est de voir comment touts ces belle théories coexistent avec la réalité.
Merci pour la visite en tout cas
Rédigé par : DR HACHE | 20 juin 2009 à 10:20
Que rajouter après Monsieur B. ?
Que qui n'a pas compris l'avantage compétitif du métissage des gènes sur la cosanguinité ne devrait jamais, au grand jamais occuper un "poste à responsabilités" ?..
Quand les vaches sont folles, on abat bien des troupeaux entiers; dans ces cas de 'clonage incestueux' contre nature, je ne saurai dire...
Rédigé par : El Capéo | 21 juillet 2009 à 17:12