La fonction Ressources Humaines ayant été assez abondamment commentée dans les douze derniers mois, je souhaiterais pour commencer cette année scolaire décrire un peu la merveilleuse mécanique qui nous sert de fonction juridique au sein du groupe.
La Fonction Juridique est un corps régalien peuplé d’experts.
Ils sont mal payés, la gloire ne peut donc venir que de l’aspect incontournable de leur position.
Etre conseil juridique ne s’invente pas, contrairement à pas mal d’autres métiers du groupe, et qu’ils soient compétents n’est pas la question, personne ne va jamais prendre le risque de ne pas avoir leur imprimatur.
Si je choisis cette époque de rentrée de vos bouts de chou, c’est que la description des rouages pourra éventuellement vous faire penser aux circuits d’information d’une classe de CE1, et c’est à peine une métaphore.
Aujourd’hui, tout dossier contentieux entre le groupe et l’un de ses employés passe entre les mains d’une seule personne, Brigitte, qui travaille aux quatre cinquièmes (pas le mercredi).
Brigitte, sèche et sans age, est tout a fait qualifiée pour son job, mais a une charge de travail de 862 %. Ne pouvant faire face, elle est parfois d’une agressivité qui touche au pathologique. Elle appartient aux Ressources humaines, mais est en fait détachée du Département Juridique. Son alter Ego chez eux, Marguerite, grasse et vieille fille, est membre à part entière du dit département.
Marguerite est parfaitement incompétente, mais c’est elle qui maîtrise la relation avec les avocats. Chacune doit penser avoir plus de légitimité que l’autre, et pour des raisons similaires ; Brigitte experte en RH, est fière de son monopole, Marguerite, toujours dans le sérail juridique, doit se considérer comme une pure.
Un procès aux prud’hommes se profile, un gugusse nous parle par l’intermédiaire de son avocat. Le Gestionnaire Individuel des RH discute avec les patrons de l’individu, monte le dossier, avance, fait des notes de synthèse, les transmet à Brigitte. Brigitte les relis puis les transmet à Marguerite. (Elles se détestent). Marguerite fait semblant de les relire, les remet à l’endroit, et les envoie à l’avocat. L’avocat pose des questions complémentaires, Marguerite les envoie à Brigitte, qui les renvoie au Gestionnaire individuel.
Dans le meilleur des cas.
Dans le pire, les questions restent posées sur un fax pendant 15 jours (eh oui, l’avocat utilise toujours le Fax, pas l’Email, c’est beaucoup plus personnel voyez vous, et moins facile à faire suivre). Le Gestionaire individuel répond aux questions, rebelote pour le circuit, l’avocat en pose d’autres, on a toutes les chances qu’un des maillons de la chaîne soit mort de vieillesse avant la fin de l’histoire.
Enfin trois jours avant le procès, tout le monde panique totalement, et ça fini par une réunion entre les quatre maillons, dans l’urgence absolue.
Si par hasard le GI suggère d’inviter le patron de l’individu à la réunion, levée de bouclier des trois larrons : ils ont peur de l’opérationnel, le grand méchant manager. Au GI de traiter avec lui. Juste avant de partir en vacances, j’ai eu l’une de ces réunions, j’adore.
Tous ces ahuris suffisants mais pas nécessaires commencent par 15 minutes d’autocongratulation qui me laissent pantois. Ils me font comprendre à mots couverts que tout est de ma faute, que cette histoire va nous coûter cher, et que j’ai l’argent facile.
Marguerite a réuni ses trois neurones pour se concocter un sourire mielleux destiné à l’avocat dont elle est folle.
Brigitte pousse de brefs éclat de rire imprévus suivis d’une mine lugubre et de longs silences, j’ai toujours un peu peur qu’elle me plante un opinel dans l’œil droit au détour d’une phrase.
L’avocat pérore.
On sent une juridique complicité entre ces trois branquignols, qui m’agace fort je dois dire.
Agacé = agressif, Agressif = idiot. L’avocat réussit à me faire élever la voix, je suis au petit bord de quitter la pièce. Je finis par me taire sous le regard amusé des trois compères, dont l’avocat qui se met a me parler hollandais après avoir essayé de me faire dire que c’était un pays de radin, on imagine le niveau du débat (il se trouve que le gars dont nous sommes en train de parler est hollandais, et qu’il a en effet des oursins dans le porte monnaie, m’enfin on s’en fout non ?).
Cet abruti d’avocat n’a pas assez d’oreille pour s’écouter parler, et la seule raison pour laquelle on le garde c’est qu’il est méchant comme une teigne dans une plaidoirie. Mais si on arrive à la plaidoirie dans ce genre de dossier c’est qu’on a déjà perdu, les prud’hommes sont plutôt à gauche et n’ont pas d’affection particulière pour un gros groupe comme le notre.
Pour finir, Dieu merci, nous (les RH travaillent souvent à plusieurs, ce qui permet de calmer l’ego et souffler le chaud et le froid) sommes arrivés à trouver un arrangement avec notre gars pour lui faire un cheque d’un montant raisonnable et qu’il ne nous embête pas. Nous avons utilisé des arguments que j’avais déjà procuré à Brigitte, Marguerite, l’avocat et l’archiduc d’Autriche, mais qui avaient du se perdre dans un trou d’emmental.
Mon hollandais a signé en deux jours.
Tout le monde était très étonné, et je pense que s’ils apprennent que quelqu’un de chez nous a osé aller lui parler en direct au lieu de respecter une procédure incroyablement inefficiente dont personne ne sait plus pourquoi elle est en place, il y a du blâme dans l’air.
En tout cas de l’avertissement, sanction de niveau 1.
Ou du licenciement pour faute article 27.
Il ne faut pas plaisanter avec la procédure.
Je travaille également dans un grand groupe français et ce que je trouve amusant, dans votre discours, est je parle de nos RH comme vous parlez de votre sercice juridique. Chez nous on fabrique des RHié en quelques semaines à partir de comptables ou de secrétaires de direction... et je ne parle que de ce service.!
j'aime votre humour, continuez comme cela!
Rédigé par : Franck | 19 mai 2009 à 21:01
Cher Dr Hache,
je vous souhaite la bienvenue dans le Club select des Grands Groupes Trans-nationaux, où on raffole du Saint Process et où on honore ses Gardiens (AFNOR, ISO, ITIL, COBit...), à un point tel que la Procédure Standard y a remplacé depuis longtemps, et avec le succès que l'on sait, cette vulgaire Intelligence Humaine, tellement surestimée de toute façon...
Rédigé par : El Capéo | 24 juillet 2009 à 19:50