Félix vit à New York depuis quinze ans.
D’un physique peu avantageux, il se remarque surtout par la taille de son nez et son rire hystérique de mangouste hyperactive lorsqu’il n’est pas d’accord avec vous. Après dix minutes d’entretien, on arrive assez facilement à comprendre pourquoi certains américains considèrent les français comme prétentieux, donneurs de leçons et méprisant, avec ce genre d’ambassadeur c’est en effet incontournable.
Félix considère les RH tels des valets qui doivent pouvoir lui résoudre ses problèmes administratifs. Il fait partie de cette tranche de clients qui vous appelle uniquement pour savoir si la banque prend en charge la nourriture de leur chat ou
le frigidaire à fourrure de leur femme (véridique), la palme allant tout de même à ce cadre indien impatrié à Paris qui avait demandé à son gestionnaire de carrière de venir changer l’ampoule de sa table de chevet.
Félix a donc certaines exigences. Ayant l’impression de nous faire une faveur en venant s’installer à Paris, il sera très strict sur les conditions de son arrivée.
Très strict et pas très réaliste comme on le verra par la suite.
Tout d’abord, Félix ne sait pas ou ne veut pas savoir que ses managers à New York cherchaient par tous les moyens à se débarrasser de lui et que le poste parisien est une aubaine insoupçonnée, la porte était grande ouverte et la catapulte bien armée. Ca aussi, on va comprendre pourquoi.
Je jure que la scène suivant est vraie :
Nous lui présentons son package pour arriver à Paris. Il était payé 100 000 dollars, ce qui fait a peu près 70 000 Euros. Nous faisons un petit effort comme souvent lors d’une impatriation, et nous arrivons au chiffre de 85 000 euros (114 000 USD).
« Bonjour Félix BLAH BLAH BLAH nous allons passer ton salaire de 100 000 Dollars a 85 000 Euros. (Théoriquement le gars est content).
« Ah non, vous voyez bien qu’il y a un problème Hin Hin Hin. »
« Quel problème ?» demandons nous naïvement.
« Eh bien j’étais payé 100 000, et maintenant je suis payé 85 000 Hin Hin Hin »
La c’est horrible. L’énormité de ce que ce crétin vient de dire nous fait monter le rouge au front. Comment lui faire comprendre sans l’humilier et éviter qu’il se jette dans la seine en fin de journée ? Il a simplement oublié que la devise n’est pas la même. Donc petit sourire d’accompagnement, un peu comme celui de la maîtresse devant le petit garçon sur l’estrade qui bafouille lorsqu’il est interrogé :
« Oui Félix, mais ça n’est pas la même devise… »
On s’attend a ce qu’il ait un petit malaise et l’on s’apprête a ré embrayer sur autre chose très rapidement, mais pas du tout :
« Je comprends bien, mais au bout du compte, j’avais 100 000 et maintenant j’ai 85 000 Hin Hin Hin »
OK. Que faire ? Surtout ne pas s’énerver. Les anciens d’action directe ne regrettent pas leurs méfaits, et selon les psychiatres c’est normal : le poids de ceux-ci est tellement fort dans leur parcours que les remettre en cause risquerait de les conduire à la folie, ils n’ont pas le choix.
Ce que vient de nous dire Félix est tellement stupide qu’il n’arrive mécaniquement pas à en faire le constat (je rappelle qu’il est banquier et qu’il est vaguement censé savoir ce que c’est qu’un taux de change).
La sortie sera donc faite d’un froncement de sourcils et d’un
« Je vais réfléchir », ce dont je doute encore.
Ca c’est pour les compétences.
En ce qui concerne ses prétentions, je ne résiste pas au plaisir de vous mettre en copie mot pour mot le mail qu’il nous a envoyé peu après concernant son futur logement.
« Bonjour
Je vous écris aujourd’hui concernant mon logement à Paris. Il est important que vous compreniez quelle est ma situation actuelle à New York. J’ai la chance d’habiter dans un immeuble qui donne sur l’empire state building. Il se trouve que ce gratte ciel bien connu possède un système d’éclairage très particulier qui lui permet de célébrer de nombreux anniversaire de la vie américaine. Ainsi, pour Martin Luther King, nous sommes éclairés de Rouge de noir et de vert. Pour la journée du Portugal, de rouge de jaune et de vert. Pour la lutte contre le cancer du sein, de rose et de blanc. Tout cela pour vous dire qu’il n’y a pas une semaine sans que notre appartement ne profite de ces magnifiques éclairages, qui font la joie de nos amis.
Je souhaite donc, et vous le comprendrez, pouvoir bénéficier des mêmes conditions lors de mon installation à Paris.
Bien cordialement
Félix »
Ce mec bosse chez nous. Je pense qu’il nous demandait de démonter l’empire state building et de le reconstruire en face de son futur appartement à Paris.
Je crois qu’il s’est installé devant la fontaine St Michel.
J'adore!!!!!!!! Un vrai régal!!!! Mais en même temps c'est effrayant, ce type est banquier... Il doit vivre dans une autre dimension.
Rédigé par : Coccinelle | 13 juillet 2009 à 16:15