Sa tache est très simple, et tout à fait impossible.
Celui que je qualifierai ici de GI a trois types de client.
Le premier, c’est le haut de la pyramide dont il s’occupe : Les patrons de métier, leurs adjoints, les adjoints de leurs adjoints, tout ce qui ressemble de prés ou de loin à un manager. Ce type de client a des besoins assez clairs : faire tourner la boutique.
En matière de RH, il faut donc recruter, suivre, former, sermonner, faire bouger, virer dans le pire des cas les individus qui composent chacune des équipes, à la lumière des informations données par le manager, et de sa vision.
De son absence de vision le cas échéant, ses rancœurs, ses antipathies son affection envers ses subordonnés
Avec cet échantillon de cow boys, le GI absorbe et filtre pas mal l’information.
On a cependant un réel plaisir à parler à ces cadres de haut niveau, et un réel devoir de conseil en organisation : il est de bon ton de ne jamais trop bien conseiller un patron de métier, mais de l’inspirer, quitte à lui laisser tout le mérite des idées.
La fonction de RH est avant tout une fonction de service, on n’est pas la pour récolter les honneurs, plutôt pour faire en sorte que ça roule. Suggérer. Influencer, sans manipuler, puis s’effacer.
Le second, c’est l’individu.
Tout d’abord, notons que les managers précédemment cités sont également des individus : nous avons donc un exercice légèrement schizophrénique qui va permettre a Mr X, Manager, d’expliquer pourquoi ses équipes n’ont qu’à bosser et fermer leur grande bouche, pour ensuite s’exprimer sans complexe sur sa propre situation, et argumenter une demie heure sur le fait qu’il est, ne nous le cachons pas, exploité par la banque, et qu’il faudrait voir à enfin le considérer à sa juste valeur.
L’individu en général est peut être notre client le plus important (le plus nombreux, c’est sur), mais également celui envers lequel le GI va être le plus exigeant.
Par facilité, tout d’abord.
Les RH font peur, de par leur pouvoir de nuisance, et l’individu, déjà très isolé dans un mastodonte comme notre groupe, a peur par nature, et malheureusement par destination.
Il peut exprimer cette peur de toutes les façons possibles, agressivité, humilité, méfiance, mutisme, le résultat est toujours le même : le gars est défiant.
L’un des gros chantier du GI, c’est d’établir un lien de confiance, de convaincre l’individu qu’il peut se lâcher : on n’ira jamais cafter à son boss. La déontologie nous l’interdit, mais plus sérieusement les responsables d’équipes sont sur ces sujets beaucoup moins malin qu’il n’ y parait : s’ils ont peur de quelque chose, c’est bien de ce que l’individu puisse dire d’eux, à un tiers dont c’est le métier, validé par l’institution par-dessus le marché.
Il nous est donc impossible de dévoiler a Mr Patron tout le mal que machin pense de lui : il s’empressera à coup sur de le répercuter sur l’échine de machin, qui répétera à qui veut l’entendre que le GI trahit, qu’il faut s’en méfier.
Ca c’est la clef de l’échec.
Plus personne ne nous dira rien, officialisant ainsi notre totale inutilité. A coté de ça, nous avons un devoir de remonter un peu d’information au manager, très demandeur : il va donc falloir mettre en facteur les infos reçues : Si tout le monde dit la même chose, et c’est souvent le cas, c’est moins dur d’expliquer au chef d’équipe qu’il doit absolument arrêter de marcher dans la bouche de « ses employés » le matin en arrivant.
S’il devient agressif en demandant « qui vous a dit ça ?», on peut toujours lui répondre qua ça n’est pas la bonne question, celle-ci étant « qui ne nous l’a pas dit ?».
Ca le calme, en général. L’individu, pour certains GI, c’est le caillou dans la chaussure, pour d’autres le seul intérêt de ce métier. Selon moi, la vérité se situe, comme d’habitude dans l’équilibre : il ne faut privilégier ni l’individu ni le manager, plutôt mettre de l’huile dans les rouages délicats qui animent leurs relations.
L’huile.
C’est notre troisième client.
La loi. Les règles de la banque. Toute la réglementation, interne ou externe, qui vient policer les relations humaines dans l’entreprise.
Ces règles sont définies, parfois interprétées par d’étranges personnes, que nous appelons dans notre jargon la « hairachegroup », et qui font des ressources humaines sans s’occuper des gens. Ce sont des spécialistes.
Un problème sur l‘expatriation ? Nous avons justement une batterie de professionnels. Les Stock options ? Demandez, nous répondrons (laissez nous le temps, quand même).
Nous savons tout.
Nous écrivons la bible, à vous les GI de l’appliquer au vulgus pecum, soyez les pasteurs de notre évangile, puisque vous, vous parlez aux gens, bande d’abrutis.
Il peut, on l’aura compris, exister une certaine incompréhension, voire jalousie entre le GI et le hairachegroup. Bien entendu, l’huile dont nous parlions peut être parfois de poix bouillante, et jetée des remparts : ce qui peut vous arriver de pire, c’est que l’individu et son manager soient d’accord, et que les règles de la banque interdisent l’application de leur décision.
« Je veux l’augmenter »
(je l’aime, il me fait peur, il fait le boulot, etc. etc.)
« Je veux qu’il m’augmente » (tu m’étonnes)…
Et la, le GI arrive avec ses sabots de plomb, et leur explique que cette augmentation ferait de l’intéressé le mec le mieux payé de sa catégorie, de son département, de son métier, parfois de la banque (les cons ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît, j’ai une petite faiblesse pour Michel Audiard). En clair, ça n’est pas possible. Pour la banque, comme corps social cohérent se plaçant dans une logique économique.
Et pas compréhensible. Pour un boss et son gars qui sont d’accord l’un avec l’autre pour faire avancer leur petite mécanique.
Au milieu, l’empêcheur de tourner en rond, le pou administratif, le sale con.
Le gestionnaire individuel.
C’est moi.
Après avoir lu alfie , Claire, les bras cassées etc... je pense qu'à défaut d'être fait pour moi (mais une personalité, un caractere ca se modifie...), et d'avoir les qualités pour cela, je pense que c'est bien le métier que je veux faire!!!! lloll Merci d'avoir rep aussi vite! je n'aurai pas cru ken plus de vos bras cassés et autres entité egocentrik, vous auriez répondu au coms si rapidement!!!
Rédigé par : moi | 14 janvier 2009 à 12:57
Nous sortons d'un stage pendant lequel nous avons vécu les mêmes anecdotes. Vous décrivez le rôle du gestionnaire RH aussi bien de façon humoristique que réaliste. Dommage que nous n'avons pas pu nous exprimer aussi librement dans notre bilan de fin d'étude. Voilà pour quoi, l'existence des blogs DR Hache soulage!!!
Bonne continuation.
Rédigé par : Faïda et Lamia | 18 juin 2009 à 16:35
Heureusement, il arrive parfois que le niveau de connaissances du GI, sur un point précis de son domaine de compétences, soit inférieur à celui de l'Individu.
Dans la situation embarrassante décrite en fin de billet, pour peu que l'Individu en question s'applique les mêmes règles d'humilité et de sens du service rendu que celles du GI en introduction, cela permet à l'occasion à cet Individu de tout à fait réussir à inspirer son "pou administratif", en le repeignant dans le sens du poil - quitte à lui refaire la raie au milieu au passage - pour faire en sorte, par exemple, que le GI se rappelle des grilles d'évolution à l'ancienneté en vigueur dans la boîte, depuis 1000 ans (environ).
C'est le bonheur paradoxal qu'a pu expérimenter votre serviteur, dans son groupe à RH à lui...
Rédigé par : El Capéo | 24 juillet 2009 à 18:00