L’une des vertus de mon nouvel emploi si je le compare au précédent, c ‘est d’être passé d’un coup d’un seul de vieux à jeune. Plus clairement : Dans mon métier précédant, très opérationnel, 13 ans d’expérience et 38 d’état civil paraissent s’additionner ; Pour la plus part de mes aimables condisciples, je semblais plutôt me situer aux alentours d’un bon 38 + 13 = 51 ans bien sonnés, voire 38 + 13 = 3813 pour les plus méchants.
Ce vieillissement inéluctable engendrait chez mes juniors quelque « places aux jeunes » susurrés de plus en plus distinctement, tandis que ma hiérarchie bien aimée laissait flotter en suspens des menaces à peine voilées
du type « on va te trouver quelque chose » et autres « tu vaux mieux que ça » qui sont toujours le signe d’une fin proche et sanglante. Comme on le sait, bien conscient de l’acuité de la sagesse populaire j’ai fini par faire mienne la maxime « Seigneur protégez moi de mes amis, mes ennemis je m’en charge », et j’ai organisé tout seul mon mouvement vers des cieux plus cléments, CAD les ressources humaines. Changement de vie, de rythme, mais aussi de génération : l’age moyen de mes nouveaux petits camarades tourne autour de 50, certains s’en rapprochent, beaucoup s’en éloignent.
Honnêtement, ça n’est pas fait pour me gêner : certaines de ces vielles tiges ont beaucoup de chose à m’apprendre, et je n’ai pas retrouvé ici les relations savamment dosées de rire, de violence, de jalousie, de mépris et de savonnette permanente qui font la force de mon ancien environnement. La difficulté ici évoquée n’est donc pas tellement de bosser avec une population de 15 ans mon aînée, la difficulté serait plutôt de devoir gérer la sortie anticipée de certains membre du métier dont je m’occupe, pour cause de sénilité avérée.
Qu’on ne se méprenne pas : j’aime bien le personnage que je vais vous décrire, mais ça n’est malheureusement pas le problème. Celui que j’appelle ici Highlander (il est réellement écossais) est un doux colosse de 59 ans, dont le tord principal est d’avoir eu un petit pet au casque il y a deux ans.
Une possible consommation de diverses substances bien de chez lui rajoutée aux 30 ans de pratique d’un métier très exigeant ont provoqué un petit petit accident cérébro –vasculaire, qu’on remarquerait à peine si notre ami ne devait pas parler à des clients de haut vol toute la journée et organiser des voyages au Turkménistan avec son boss.
Pour vous la faire courte, il l’a déposé à Roissy et s’est perdu dans le parking. C’est horrible. Le boss, que j’appellerai TDB pour laisser libre cour a votre imagination s’est retrouvé a Turkméne City (non ça ne s’appelle pas comme ça mais le cœur y est) vers une heure du matin sans aucune coordonnées d’hôtel, de client ou rien, et a dormi sur le carrelage de l’aéroport.
Highlander s’est pointé 24 heures après, l’autre était en feu, et la moitié des rendez vous programmés pour la semaine précédente. Le TDB en question n’est déjà pas un grand diplomate (sympa cela dit, dans le genre grande gueule), mais la c’est officiel il veut sa peau. Boum, les Ressources Humaines. Donc il faut organiser sa sortie. Dans un premier temps, expliquer a TDB qu’il est soit un peu en avance soit très en retard sur son époque : l’euthanasie n’est pas encore légalisée en France, et il y a peu de chances qu’elle le soit un jour sans l’accord du principal intéressé. Parallèlement, Le supplice de la roue ne se pratique plus depuis un certain temps.
Ensuite voir le bon Highlander, et comprendre ce qu’il dit. Il n’est pas bègue, lui, mais sa diction ressemble à l’idée qu’on se fait de Sean Connery en train de se laver les dents. Au téléphone c’est quasi impossible, en face ça passe mieux. Notre ami veut donc suivre les traces de Victor Hugo et se faire muter à Guernesey pour les quelques mois qu’il lui reste à bosser. Il pourra ainsi attraper un statut de résident et acheter une maison à prix discounté. Un vrai plan de vie.
Quand je lui demande s’il ne veut pas lever le pied d’ici Juin prochain, je comprend qu’il en est hors de question : la simple mention de sa femme génère dans ses yeux un mélange de crainte, de défiance et d’auto-apitoiement.
Ca n’a pas l’air de bien se passer à la maison, surtout quand on met en perspective l’enfer que lui fait vivre son boss depuis 3 mois… Ensuite on va regarder le dossier : il a commencé a travailler à 15 ans, mais horreur malheur, je découvre que 10 ans de sa vie n’ont pas été validés par la Sécu. Aie Aie Aie, Highlander a bossé au Canada, en Angleterre, en Allemagne, mais peut il le prouver ? Ben j’espère, parce que sinon il faut le garder jusqu'à 65 ans, et la je pense qu’on va tout droit au fait divers, ou alors c’est TDB qui fond un fusible. Quel beau métier
Hello,
comment on lui donne pas un promo juste pour avoir fait cette vacherie au boss qui fait sans doute partie des responsables de la crise financiere ?!? Devrait meme lui filler des trimestres gratos !!Sinon La retraite pour inaptitude a 60 ans existe toujours ??
Rédigé par : virg | 07 octobre 2008 à 23:19