« Je suis jeune il est vrai mais aux âmes bien nées
la valeur n’attends pas le nombre des années »
est une maxime que sa mère a du lui seriner depuis le berceau car son age ne semble pas correspondre chez lui à la perception d’un quelconque manque d’expérience, de maturité ou de recul, il vous parle au contraire d’une certaine hauteur où l’orgueil semble faire bon ménage avec la condescendance, et l’humilité est la grande absente de ses vertus cardinales.
Si Coluche confessait n’avoir réussit que son examen d’urine, Vincent n’a raté que celui du contrôle technique de la Jaguar type E que
ses parents lui ont offert pour ses 18 ans, car il est bardé de diplômes prestigieux (en tout cas en France), et n’a pas eu de mal à se faire convaincre par les responsables éducatifs de son école parisienne qu’il était indubitablement la cerise sur le gâteau à la crème de la crème.
Ses origines provinciales, qui le grattaient un peu lorsqu’il était en prepa à Foch, se dissolvent bien dans le nouveau paysage, et son studio ne pourrait être ailleurs qu’a St Germain des Prés, on a du lui dire à Belfort que c’était le quartier à la mode à la capitale, et il ne jure plus que par les rues piétonnes, le bar du marché et les galeries d’art.
Lorsque, dans dix ans sa femme lui demandera d’aller vivre en banlieue pour avoir un jardin, il considérera cette déchéance comme inacceptable et lui dira probablement d’acheter des plantes en pot si elle a besoin de verdure.
Vincent travaille depuis un an et demie en banque d’affaire, ou fusac comme il aime à dire en sirotant un verre de chardonnay à la terrasse des deux magots, au passage on devrait peut être lui glisser que Sartre est mort. Après son parcourt sans faute il a intégré le département le plus élitiste, dans lequel il a retrouvé une bonne partie de sa promotion. Il est aujourd’hui grouillot des directeurs dont il reçoit humblement des requêtes urgentes qui le collent au bureau jusqu'à quatre heure du matin, et sur la tête desquels il vomit par ailleurs sauf quand ils sont vraiment méchants, puisqu’il s’imagine que la férocité est un signe de grandeur.
Vincent se pointe à son premier entretien RH à la fois rigide et décontracté. Il est sérieux, cravaté comme il se doit, et use de sa belle voix grave pour répondre posément aux questions de son interlocutrice. Il parle lentement, un peu comme un médecin, un pédiatre pour être précis. Lorsqu’il s’adresse à vous, vous avez huit ans et les questions que vous lui posez sont certes idiotes, mais si charmantes, il va tacher d’y répondre sans vous froisser.
Il aura donc un petit sourire encourageant tout le long de la discussion, mais n’hésitera pas à vous recadrer si vous dérivez un tant soit peu, il faut etre doux mais ferme avec les enfants c’est ce dont ils ont besoin.
L’entretien avec sa gestionnaire individuelle RH ( Sophie, 18 ans de maison, 5 ans de RH, inspection générale donc quelques réflexes pour repérer les abrutis) suit donc ces règles sans déroger.
Lorsque, pour dérider un peu une atmosphère frisant l’ennui elle lui demande
« l’ambiance est elle bonne au sein de l’équipe ? »
Il la regarde et répond
« comment définissez vous une bonne ambiance ? »
Bon, passons sur la semi grossièreté du procédé ainsi que l’impressionnant diamètre des ficelles tirées : la bonne vielle méthode jésuite qui consiste à répondre à une question par une autre question peut marcher dans un entretien entre pairs, mais moins quand votre interlocuteur a le double de votre age.
Sophie commence donc à cocher des croix mentales, faisant doucement glisser Vincent dans la catégorie petit con, mais au point où l’on en est elle continue, et explique de bonne grâce les notions de solidarité, sympathie, entraide, détente, partage d’information etc.
Vincent lève les yeux au ciel. ( si si) Tant de naïveté commence à lui courir, il ne voit pas bien l’intérêt de cette perte de temps avec ce qu’il a l’air de considérer comme une assistante administrative, tout juste bonne à le payer en fin de mois.
D’une voix indiquant clairement qu’il entend bien en rester la et qu’il a du boulot, lui, il regarde Sophie doit dans les yeux et lui dit sans ciller
« Voyez vous, lorsqu’on met ensemble des gens intelligents, les rapports ne peuvent que bien se passer »
Je ne suis pas bien sur qu’il ait bien tout compris à l’entreprise ni à l’humain, le petit financier.
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