L’une de ces personnes dont on est content qu’elle existe, mais avec laquelle il est très difficile de travailler. Vanessa est Secrétaire Assistante à l’étage des Ressources Humaines, et partage un bureau avec trois autres filles. Elle est grande mais tassée, avec un regard un peu trop fixe.
Vanessa, blonde mal décolorée, a dû s’asseoir sur un câble à haute tension quand elle était petite, ses neurones n’en sont pas sortis intacts et les 3000 volts passent toujours. Elle est extraordinairement réactive, au détriment de toute jugeotte, et va se plier en huit pour délivrer un travail systématiquement truffé d’erreurs.
Toujours aimable, souriante bien qu’angoissée, Vanessa possède une réelle conscience professionnelle dont elle doit souffrir horriblement puisqu’elle ne peut délivrer que de l’à peu près mal mâché, sur lequel vous allez
passer et repasser, parce que.
Parce que.
Parce que l’autre jour, nous lui avons fait taper une lettre de sanction pour un cadre dirigeant de la banque qui s’était fourvoyé devant un site pornographique sur Internet de façon trop régulière, et que sur l’en tête de la lettre de sanction, elle avait tapé
« Ressources inhumaines ».
Certain vont penser que je force le trait.
Parfois c’est vrai, j’enjolive. Par exemple, l’histoire des chimpanzés dans le bureau du Président c’était faux. D’ailleurs je n’en ai jamais parlé.
Mais dans le cas présent je ne fais que retranscrire la vérité, j’ai vu la lettre.
Ressources Inhumaines donc. Sur une lettre de sanction, c’est parfait, on imagine la joie du juge des prud’hommes, un rayon de soleil dans sa morne journée.
La même Vanessa nous avait demandé si l’un de nos cadres ne devrait pas partir à la retraite, puisqu’il était né en 1846, et allait donc fêter en novembre ses 160 ans.
J’avais failli lui demander de calculer les indemnités de fin de carrière juste pour voir, mais il ne faut pas être cruel. En revanche, l’ensemble des Ressources Humaines avait lâché dix litres de sueur lorsqu’elle nous avait pondu une lettre de bonus garanti à sept millions d’Euros, au lieu de sept mille… On rigole aussi parfois, notamment lorsqu’on lui a demandé de nous sortir une liste classée par ordre alphabétique, et qu’elle a classé les 850 personnes. Par leur prénoms.
Plusieurs questions.
Que faire de Vanessa ? Elle est tellement gentille… Jusqu’où l’entreprise doit-elle aller pour protéger ses éléments les moins compétents ? Faut il accélérer la sélection naturelle qui poussera Vanessa dans l’entonnoir ? Bien sûr que non, mais si j’élabore sur ce sujet que répondre à une question sur elle ? Puis-je sincèrement en dire du bien ?
La structure est oppressante, c’est un fait, mais elle est aussi protectrice de ce genre d’hurluberlus.
Les maintenir en poste est une aberration de plus, mais les sortir rend le rasage du matin compliqué.
Qu’en penserait le philosophe moustachu qui connaît une seconde jeunesse, faut il supprimer le maillon faible lorsqu’on cherche le surhomme ?
La réponse n’est pas si simple.
La gentillesse est bien sur une clef, si Vanessa était un tantinet agressive nous la sortirions sans émois, voire une certaine joie pour les pisse-froids.
La cosmétique rentre également en jeu, mais de façon anti-intuitive : si Vanessa était jolie, elle serait déjà dehors : dans l’inconscient collectif, une jolie fille « se débrouillera toujours », on peut donc la dégager sans états d’âme. A creuser d’ailleurs. C’est assez vilain comme idée, se déclinant en compartimentage sexuel du côté masculin et en pure jalousie du côté féminin.
Mais Vanessa est franchement moche, impossible de se rattraper à cette branche pourrie qu’est la cosmétique pour justifier d’une éjection.
Alors ?
Alors on relit tout ce qu’elle fait, et on rigole bien de temps en temps.
On a tous vu le dîner de cons, dont la fin rassure notre sentiment de culpabilité judéo chrétien : certes il est con, mais selon quel critère, et finalement on est tous le con de quelqu’un, vanitas vanitatis.
La théorie dirait « trouvez lui un job dans lequel elle ne puisse pas faire de gosses gaffes, qui corresponde à sa personnalité ». Mais l’âge d’or des emplois idiots est passé dans le secteur tertiaire, et tout job peut être mal fait.
Pas de solution donc.
De la Patience
Et vigilance
Elle est en transe
Son cerveau danse
Avec nos nerfs
Et nos repères.
Mais soyons zen,
Car dans sa peine,
Elle a choisi
Le paradis,
Manger du foin
Ne conduit point
Droit à la porte,
Et puis, qu’importe ?
Si elle s’en va
Elle pourra,
Sans marche arrière,
Faire carrière
Dans la mythique
Fonction publique.
Cher Monsieur,
Merci pour votre humour et votre franchise dont je me regale depuis deux jours.
Pour Vanessa, en utilisant le cadre de référence de l'Analyse Transactionnelle, cela me ferait penser à une bonne vieille "soif de besoins de reconnaissances" non satisfaite dans son environnement perso.
Alors la pauvre chercherait desesperement des "strokes" (on en a tous besoin - et même "vitalement" cf experiences sur "l'hospitalisme") et comme elle se trouve trop nul pour obtenir des strocks positifs, elle cherche les coups de latte (strocks négatifs, les seuls que la vie lui ai donné de connaître jusqu'à aujourd'hui..).
Donc Vanessa fait des gaffes au bureau.. Pour elle le seul moyen de se sentir "exister". Ici deux choix :
- finalement ce n'est pas si grave et au final même distrayant,
- ou cela vous gonfle et vous voulez tenter quelque chose de jamais essayé. Attention, cela risque bien de fonctionner. Mais seulement si vous le voulez "réellement". Si vous essayer sans y croire, elle le "sentira" et cela ne marchera pas (être abîmé = être très sensible).
Faites moi savoir cher Monsieur, sur votre blog ou par email, si vous souhaitez en savoir plus.
MandarinOracle
Rédigé par : Mandarin Oracle | 06 juillet 2008 à 16:50
Cher Mandarin
assez d'accord avec votre analyse, et fort interessé par une possible solution, sachant que malheureusement Vanessa nous a quitté pour un autre département, dont je connais cependant le responsable. Ma frayeur est bien sur qu'elle tombe sur un manager qui la sorte sur un coup d'exaspération.
le D R HACHE
Rédigé par : DR Hache | 30 juillet 2008 à 12:40