Une lentille de couleur tamisée s’enclenche naturellement dans l’objectif de la caméra quand il rentre dans mon bureau. L’ambiance prend un ton de vieux miel, les murs se recouvrent de cuir Hermès, on croirait deviner une fine odeur de cigare et un verre de cognac XO se profile en contre-plongée.
Le danseur est en costume de coton crème, ses chaussures d’un cuir patiné ressortent sur ma moquette comme pourrait le faire une crotte de très jeune chien ayant forcé sur les cerises.
Il n’a pas de Panama mais le déplore, probablement.
Sa peau grêlée de petite vérole est le signe d’une jeunesse peu soignée, ou d’un age plus avancé qu’il ne voudrait bien l’admettre. Il a une forte tendance à bronzer des gencives, découvrant à tout propos des dents refaites et toutes blanches.
Le danseur possède ce ton de voix qui induit tout,
nous nous sommes compris n’est ce pas mon cher. Il est snob, assez désagréable et laisse traîner ses intonations comme des miettes de pain qu’il jetterait aux pigeons : il vous fait l’aumône de sa conversation lancinante ou la platitude n’a d’égal que la prétention, et ou l’on distingue vite, entre deux baobabs dans le creux de sa main, une infiniment haute idée de lui-même et un aveuglement total quand à sa position réelle dans la banque.
Mais aujourd’hui, Ramon est inquiet.
Il a changé de patron : Achille aux pieds légers (dans le derrière en l’occurrence).
Achille, qui connaissait déjà le personnage de réputation, a vite mesuré l’étendue de la catastrophe en prenant ses nouvelles responsabilités.
Je ne parlerais même pas du quotidien de Ramon : on ne me croirait pas. Mais admettons qu’il organise des dîners avec des gens importants, lorsqu’ils nous font l’honneur de venir en France. Pour résumer, il fait (avec un jeune diplômé et une secrétaire qui font tout le boulot) ce qu’une attachée de presse de 32 ans pourrait très bien faire toute seule.
Achille, attaché a l’idée de productivité, veut s’en débarrasser mais sans urgence ; il lui susurrait déjà du bout des lèvres il y a trois mois qu’il pourrait y avoir une vie en dehors du service, voire en dehors de la banque.
Ramon n’a pas l’habitude de se faire bousculer, et l’information met quelques mois à remonter au cerveau. Ne pouvant y croire, il finit par se dire qu’il a mal compris, et cette mauvaise nouvelle rejoint ses consoeurs dans le puit sans fond de son inconscient, il doit y avoir du monde.
Ce matin Achille croise Ramon dans le couloir.
Il le regarde brièvement et dit
« Au fait, tu as réfléchi un peu à ton plan de vie » ?
Passons sur la chiennerie du procédé, nous n’avons pas affaire à des enfants de cœur, Ramon a tout de même 54 ans. Mais il monte immédiatement dans mon bureau.
Il n’est pas ému, il n’est pas angoissé, il est in di gné.
Souris perchée sur un des fromages subsistant au fond d’un placard de cette banque, Ramon ne peut envisager qu’on le réveille dans sa sieste décennale, et il le prend de haut.
« J’aimerais qu’on me dise si oui ou non on considère que j’ai toujours ma place dans le département, bon sang de bois !!! »
Non.
Mais c’est ton boss qui doit te le dire Ramon, et en vieux routier il va te mettre la pression et laisser pourrir, tu tomberas tout seul de l’arbre. C’est vilain, mais c’est ainsi, et à ton niveau de séniorité et de glande tu es impardonnable de ne pas le savoir.
Quand je pense à toi, les mots banque et planque se fondent pour n’en faire plus qu’un :
Tu es un BLANQUIER Ramon, et tu es dans une grande blanque depuis beaucoup trop longtemps.
La belle au bois dormant devait avoir bien mauvaise haleine au bout de 100 ans, et on plaint le prince qui a du se fendre d’un baiser pour la réveiller.
Eh bien, c’est un peu moi.
Debout Ramon, il va falloir ranger ta brillantine et ton habit de lumière dans le tiroir de ta psyché, et aller au charbon. Ailleurs, en plus, parce qu’avec la réputation qui te colle aux semelles il va être bien compliqué de trouver quoi que ce soit dans le groupe…
Quelle horreur.
Flamand Rose, Danseur Mondain, cette tranche se caractérise par son aveuglement et son absence d’éthique intellectuelle.
Qu’avez-vous fait de vos talents, élites endormies ? Ou est l’incroyable richesse que vos aînés vous on transmis, dans quel bras a été se planter la perfusion culturelle dont vous auriez du bénéficier, et sans grands efforts bande de saligauds.
Vous confondez irrévérence et aigreur, intégration et conformisme, compétition et jalousie, revenus et rentes.
Vous cumulez les deux grands assèchements de la vieillesse, rigidité et immobilisme.
Quel gâchis.
Qu'est ce que c'est que cette annexe de la rue Froidevaux, 75014, cimetière des éléphants sans autres défenses que des certitudes qu’ils ne se donnent pas les moyens d’entretenir ?
Vous êtes des bouffons, messieurs, et ces marques de délire sympathique ou de mépris condescendant ne sont que les artifices de votre trahison, les prémices de l’irrémédiable déclin de ceux qui refusent le combat, l’effort et le dépassement de soi.
j'adore la phrase d'Alphonse
qu'en est il lorsqu'il s'agit des enfants des autres ?
Rédigé par : chl | 09 septembre 2008 à 16:10
Les plus bruyants ?
Rédigé par : DR Hache | 11 septembre 2008 à 07:10