Clovis est issu d’une lignée de grands commis de l’état. Descendant de Colbert, il n’a fait que l’ENA et subséquemment l’inspection des phynances, mais il a préféré la banque aux ministères, et promène avec sérieux son physique de diplomate chez ses camarades d’école qui sont aujourd’hui patrons d’entreprise du CAC 40. Il leur vend des solutions bancaires et compense la demie faiblesse de son positionnement de prestataire de service en les tondant avec méthode et rigueur.
Clovis porte beau.
Il est grand et bien proportionné, il se tient droit, légèrement penché en avant comme s’il entamait en permanence un salut japonais, ce qui dégage une impression de respect et de maîtrise,
mais aussi de domination. Il a les traits réguliers, les narines peut être un peu dilatées qui peuvent avoir tendance à battre l’air quand il est agacé.
Il n’est pas drôle mais pas désagréable non plus, en fait il est à sa place donc bien dans son costume, cela se sent et le rend d’un commerce plaisant.
Il est extrêmement conscient de sa propre valeur, et dépasse la notion même d’ambition, il emprunte simplement le chemin de l’excellence de toute éternité. Issu d’un milieu surfavorisé, il a su en accepter l’aune, faire fructifier l’inné et l’acquis, c’est un pur produit assez réussi de l’élite.
Mais il est très français, et doit sentir une petite gène aux entournures de son hexagonalité, c’est pourquoi, la place de responsable du territoire UK pour tout le groupe se libérant, il se porte candidat et fait jouer tout ce qui est en son pouvoir pour s’approprier le poste.
Il l’obtient assez facilement.
Passons sur les modalités un tantinet douloureuses de son expatriation puisqu’il s’agit finalement d’une négociation et qu’il obtient ce qu’il veut… Si les choses se déroulent de la même façon avec les clients ça ressemble plutôt à une bonne nouvelle.
Après quelques mois passés à faire le tour des popottes à Londres, rencontrer les éléments clefs de ce site de 5000 personnes, Clovis décide qu’il est temps d’aller manger du client, et la scène qui suit m’a été racontée par un anglais pur souche, témoin embarrassé du plus fantastique fiasco commercial et culturel auquel il lui a été donné d’assister.
Parce que si Clovis descend bien de Colbert, il a omis de nous préciser qu’il descend probablement aussi de Jeanne d’Arc par sa mère.
A ma droite, nous avons une institution britannique dont les dirigeants semblent dégager une vraie légitimité, puisqu’ils ont commencé par financer les guerres napoléoniennes, en moyenne doublé leur chiffre d’affaire tous les vingt ans depuis. Le tableau de Turner qui trône dans la salle de réunion a été acheté directement au maître en 1837, et si la salle de marché du deuxième étage compte 53 nationalités, plus de la moitié de ses membres sont passés par Oxford, Cambridge, Polytechnique Bocconi ou Yale.
Le doux mélange d’institutionnalité séculaire et de High Tech brute de ce fleuron de l’industrie financière donne une certaine assise à son directoire, dont certain siégent à la chambre des lords.
A leur étage, l’épaisse moquette semble permettre d’entendre une mouche péter, et la batterie d’ordinateur Cray de l’étage du dessus assure un lent et rassurant ronronnement qui n’enlève rien à la sérénité des lieux.
En clair, ils savent de quoi ils parlent et ce depuis plus de 200 ans, et ils sont chez eux donc faudrait voir a ne pas trop faire chier le cavalier noir.
A ma gauche, donc, Clovis accompagné de quelques esclaves résignés des lignes de métier qui redoutent le pire.
Et là, il parle.
« YOU NO OUEN AILLE EURAILLEVEDE AIL ASQUED TO SI ZE MONNAIE
OUI ARE MECQUING OUIZ YOU ;
(Trois secondes de silence pour marquer la pause, les ailes du nez frétillent et la voix se fait un peu plus agressive)
INDE AIL COUD NOTE BILIV MAILLE AILLZ !! AIL SEDE ZIS IS NOT POSSIBEUL OUI ARE MAIQUING SO LITTEUL MONNAIE OUIZ ZEME ;
(Seconde pause, un air légitime colère se dessine sur son visage, il semble choqué, peiné et furieux tout à la fois, le nez bat tellement qu’on le distingue à peine si ça continue à ce rythme il va s’envoler)
SAU AILLE HHHAD ZE FIGURZ CHAIQUED, INDE ZAI OUERE TROU !!!! SO AILLE AME ASQUING YOU, AO CANNE OUI MECQUE MAURE MONNAIE OUIZ YOU ????
En substance, il était scandalisé de constater que nous ne fassions pas plus de beurre sur le dos de ces braves gens, et se sentait obligé de le leur dire afin qu’ils trouvent eux même une solution pour mieux se faire traire.
Calme et serein, le directeur administratif et financier de l’institution britannique répondit poliment qu’il ne demandait pas mieux que de nous faire travailler si nous pouvions démontrer une compétence et une compétitivité supérieures à celles de la concurrence, après quoi il raccompagna Clovis jusqu’à la porte en lui disant à bientôt, avec une petite tape amicale sur l’épaule.
Depuis pas de nouvelles.
On aurait peut être du prendre un Anglais.
Magnifique. Un grand moment de solitude pour les brits presents a coup sur.
Rédigé par : jd | 12 septembre 2008 à 00:25
Visiblement peu renforcés dans leur francophilie en effet
Rédigé par : DR Hache | 12 septembre 2008 à 21:28